Yaoundé – 7 août 2025
Le rejet de la candidature de Maurice Kamto à l’élection présidentielle du 12 octobre 2025 par ELECAM, confirmé ensuite par le Conseil constitutionnel, a suscité une onde de choc dans le paysage politique camerounais. Au-delà des considérations partisanes, cette décision soulève des questions de droit électoral, de légitimité statutaire et d’interprétation juridique. Que dit la loi ? Et le Conseil a-t-il statué à bon droit ?
Les faits : une double investiture contestée
Maurice Kamto, ancien président du MRC, s’est présenté sous la bannière du MANIDEM, parti en proie à une crise interne. En parallèle, Dieudonné Yebga a également déposé une candidature au nom du même parti. ELECAM a invoqué la pluralité d’investitures pour rejeter les deux dossiers, estimant qu’aucune des candidatures ne pouvait être validée sans une investiture claire et unique.
Ce que dit le Code électoral
Selon le juriste Abóúbakari Abóú, cette décision contrevient aux articles 121 alinéa 1er et 122 alinéa 2 du Code électoral camerounais. Ces dispositions stipulent que :
- En cas de pluralité de candidatures au nom d’un même parti, seule doit être retenue celle accompagnée d’une lettre d’investiture signée par le représentant statutaire.
- Il ne peut y avoir qu’un seul représentant habilité à signer une telle investiture.
Ainsi, ELECAM aurait dû examiner les statuts du MANIDEM pour déterminer qui, d’Anicet Ekane ou de Dieudonné Yebga, était le représentant légitime. En rejetant les deux candidatures sans trancher cette question, le Conseil électoral aurait méconnu ses obligations légales.
Le rôle du Conseil constitutionnel
Saisi par les deux camps, le Conseil constitutionnel a confirmé le rejet des candidatures, entérinant la position d’ELECAM. Pourtant, cette juridiction est censée exercer un contrôle de légalité sur les décisions du Conseil électoral. En validant un double rejet sans arbitrage sur la légitimité statutaire, elle a évité de trancher une question pourtant centrale : qui est le représentant légal du MANIDEM ?
Certains juristes estiment que le Conseil constitutionnel a ainsi renoncé à son rôle d’interprète suprême du droit électoral, en se retranchant derrière une lecture administrative plutôt que juridique.
Une décision aux conséquences politiques
Ce rejet prive Maurice Kamto, figure majeure de l’opposition, d’une participation à l’élection présidentielle. Pour ses partisans, il s’agit d’une manœuvre d’exclusion, tandis que pour d’autres observateurs, c’est le résultat d’une stratégie risquée : se faire investir par un parti fracturé, sans sécuriser son ancrage statutaire.
Conclusion : une jurisprudence à clarifier
Le cas Kamto-Yebga révèle une faille dans le traitement des candidatures multiples au sein d’un même parti. Il pose la question de la capacité des institutions électorales à arbitrer les conflits internes sans sombrer dans l’arbitraire. En l’absence d’une décision claire sur la légitimité statutaire, le droit électoral camerounais reste suspendu à des interprétations fluctuantes.
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